5572. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.
Potsdam, 15 août 1752.
Votre rapport du 4 de ce mois m'a été rendu. Quoique je convienne que les déclarations de la France sur l'affaire de l'élection font de l'impression sur ceux qui voudraient brusquer cette affaire, surtout après qu'on vient d'apprendre qu'on a extrêmement grossi le nombre de la réforme que la France a faite dans ses troupes et que c'est un objet de nulle considération, il est sûr néanmoins que c'est la cour de Vienne même qui met le plus grand obstacle à la réussite de cette affaire, par sa roideur inflexible à ne vouloir aucunement contenter l'Électeur palatin de ses prétentions, mais mettre tout à la charge de l'Angleterre; aussi tous les mouvements que le comte Hyndford s'est donnés jusqu'ici pour rectifier cette cour, ont été gratuits, et les choses sont allées au point que, si ce ministre n'est point du tout content de ladite cour, elle ne l'est non plus de lui et en voudrait déjà être quitté, parcequ'il la fatigue sans cesse par ses remontrances dont elle ne voudrait plus entendre parler. Comme tout cela a l'air de pouvoir continuer encore, il est assez vraisemblable qu'il n'y aura rien de constaté sur cette affaire cette année-ci et que le roi d'Angleterre pourrait bien être obligé de retourner à Londres sans avoir obtenu son but.
Au reste, je veux bien vous communiquer la nouvelle importante d'une révolte considérable arrivée à Constantinople, dont on nous a appris que le corps de Janissaires, avec le peuple à Constantinople, lassés du gouvernement pacifique, avaient commencé la révolte par des incendies; que cette révolte avait pris tant de propres du depuis que le Sultan avait été obligé de sacrifier le Grand-Visir,196-1 qui venait d'être exilé et un autre196-2 mis à sa place, de faire étrangler encore l'Aga des Janissaires et trancher la tête au Kislar-Aga, favori du Sultan et aux conseils duquel il s'était laissé gouverner; que nombre de sa clique était en prison et les exécutions réitérées, et que le désordre et la confusion était encore extrême, au point qu'on parlait de faire descendre le Sultan du trône et d'y placer son frère,196-3 prince bien plus belliqueux que lui, qui cependant a déclaré de ne vouloir quitter le trône qu'avec sa vie.
On a remarqué que cette nouvelle a extrêmement embarrassé le ministère de Vienne, qui, quoiqu'il gardât un silence marqué sur cette nouvelle, ne pouvait cependant pas cacher le chagrin qu'il sentait là-dessus, remarque que je ne vous communique que pour votre seule direction.
Federic.
Nach dem Concept.
<197>196-1 Muhamed Pascha. Vergl. Bd. VIII, 23.
196-2 Said Efendi. Vergl. Bd. VIII. 31.
196-3 Soliman.