5736. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.
Berlin, 13 janvier 1753.
Vos dépêches du 29 du mois dernier m'ont été heureusement rendues. Il me suffit d'avoir indiqué aux ministres de France le mauvais procédé du baron de Bernstorff et les suites qui en résulteront, si cet homme continue d'avoir en mains le maniement des affaires de la cour de Copenhague. Il me paraît même que le temps est passé pour l'en faire déplacer, car mes lettres de Copenhague me marquent qu'il avait repris la confiance du Roi son maître, qu'il avait su également gagner celle du comte de Moltke, par la faiblesse reconnue de celui-ci, et qu'on devait tout attendre de suites d'un ministre dont les projets et les résolutions n'aboutissaient assurément qu'à mettre partout de la confusion et à parvenir par ce moyen à se lier étroitement avec le part<311> opposé. L'on a ajouté d'ailleurs que le comte Rosenberg continue d'avoir de longues et secrètes conférences avec le sieur Bernstorff, et que le soupçon se confirmait que ce ministre était en relation secrète avec les cours de Londres, de Vienne et de Russie, et qu'il y avait de l'apparence qu'il préparait des évènements pour renverser le système de sa cour; qu'il n'était pas moins vraisemblable qu'il y ferait servir l'affaire de Landskrona et que l'on méditait ou de surprendre cette place et avec elle la Suède, ou bien que le nouveau ministre de Danemark qui devait s'y rendre le mois prochain, serait chargé de renouveler les instances de ses prédécesseurs. Qu'on croyait devoir leur donner du poids par des démonstrations guerrières et qu'on engagerait même les cours impériales à appuyer cette négociation. Que, pour preuve évidente qu'on ne perdait pas cette affaire de vue, l'on avait rappelé un des sujets du roi de Danemark qui servit en France, nommé Gehler, grand ingénieur, qu'on occupait, depuis qu'il était arrivé, à bien du travail, soit, comme l'on jugeait, pour construire des ouvrages sur les côtes de Seelande ou pour exécuter une entreprise sur Landskrona. Qu'au surplus les ordres étaient donnés d'éprouver l'artillerie et de mettre toutes choses en état de pouvoir servir en campagne.
Bien que je ne saurais nullement me persuader que la cour de Danemark voudrait aller à l'offensive, à moins que ce ne fût une surprise sur Landskrona pour en démolir les ouvrages nouvellement construits, j'ai cependant voulu vous informer de ces anecdotes, laissant à votre discrétion s'il convient que vous en parliez à M. de Contest par manière de discours, et sans faire apparaître que vous vouliez faire aucunement sonner le tocsin.
Quant à l'affaire relativement à l'accommodement de l'Électeur palatin, je veux bien me rapporter à ce sujet sur ce que le département vous en marquera par sa dépêche ordinaire;311-1 je crains cependant que la fermeté de l'Électeur ne soit ébranlée par le grand penchant que la plupart de ses ministres font remarquer pour l'accommodement, et qu'il ne souscrive aux conditions que la cour de Vienne, appuyée par celle de Londres, lui voudra imposer.
Au reste, je viens d'apprendre par des canaux assez sûrs qu'il devait régner présentement une assez grande animosité entre le ministère de Vienne et celui de Pétersbourg, à l'exception du chancelier Bestushew, au sujet de quelques officiers russiens arrêtés en Hongrie sous prétexte qu'ils débauchaient les habitants du pays de la religion grecque à en sortir pour s'établir dans l'Ukraine à Nova-Servia. Que le baron de Pretlack avait jeté feu et flamme, sur un mémoire qui lui avait été délivré des ministres de Russie, jusqu'à avoir déclaré hautement que sa cour s'était étourdie trop longtemps sur les impolitesses de celle de Pétersbourg, mais qu'à la fin son ressentiment ne pourrait manquer<312> d'en éclater; mais qu'au reste le Grand-Chancelier tâchait d'apaiser ce ministre emporté. Quoique je ne compte pas sur les suites de cette affaire, pour les manigances du Grand-Chancelier, qui s'emploiera de son mieux pour l'apaiser, j'ai cependant bien voulu vous en informer pour votre direction.
Federic.
Nach dem Concept.
311-1 Vergl. S. 307—309.