5737. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Berlin, 13 janvier 1753.

J'ai reçu votre rapport du 3 de ce mois. Je ne veux point faire de redites sur ce que je vous fais marquer par le Département dans le rescrit ordinaire d'aujourd'hui au sujet de la négociation entre la cour de Vienne et celle de Manheim, je crains seulement que la dernière ne penche que trop sur cet accommodement et qu'elle ne donne dans les illusions que les cours de Vienne et de Londres lui font. Ce que peu de jours éclairciront.

Je ne veux que vous entretenir aujourd'hui d'une anecdote assez curieuse qui m'est revenue d'assez bonne main, savoir qu'il y ait une assez grande animosité qui régnait à présent entre le ministère de Vienne et celui de Pétersbourg, à l'exception pourtant du chancelier Bestushew, à l'occasion d'un certain colonel autrichien nommé Horbat qui, après avoir quitté, il y a du temps, la Hongrie avec nombre d'officiers, avait été reçu à bras ouverts dans les États de Russie et revêtu même du caractère de général major, s'était fait fort de vouloir gagner plus de 20,000 familles hongroises à se retirer de leur pays et à former un établissement dans l'Ukraine à Nova-Servia; que quelques officiers russiens, s'étant trouvés du depuis en Hongrie détachés par Horbat, afin d'y travailler sourdement, avaient été arrêtés et que la cour de Vienne avait envoyé là-dessus le courrier Montagne à Pétersbourg pour porter des plaintes amères de la façon d'agir peu amiable de celle de Russie à son égard; que l'arrivée de ce courrier, ayant occasionné une assemblée du Sénat et des ministres, avait causé bien des cris contre le Grand-Chancelier, qui n'avait pu empêcher, malgré toute la fermeté que le baron de Pretlack lui avait recommandée, qu'on n'ait remis un mémoire fort et dur au ministre de Vienne, qui avait jeté feu et flamme là-dessus, en déclarant hautement que sa cour était trop longtemps étourdie sur les impolitesses de celle de Pétersbourg, mais qu'à la fin son ressentiment ne saurait manquer d'éclater; qu'au reste le Grand-Chancelier tâchait d'apaiser ce ministre emporté et qu'il avait même désavoué ce mémoire.

Une autre anecdote encore qu'on vient de m'apprendre, est que le susdit Chancelier avait fait une ouverture confidente à la cour de Dresde qu'il se trouvait abîmé de dettes et qu'ayant surtout détourne<313> 20,000 ducats d'une somme destinée par l'Impératrice à certaines dépenses sourdes, il n'était qu'à deux doigts de sa perte, dont il ne saurait se sauver que moyennant un prompt remboursement, auquel il ne voyait jour, à moins qu'il n'eût recours à la générosité des cours alliées de la Russie. Comme j'apprends du depuis que la cour de Dresde a ordonné à ses caisses de remettre promptement aux mains du roi de Pologne 20,000 écus, et que je soupçonne que ce ne soit à cet usage que cette somme ne fût destinée, j'ai bien voulu vous informer confidemment de cette anecdote, pour vous mettre sur la voie d'approfondir si peut-être la cour de Vienne n'y a contribué sa quotepart et qu'elle n'ait envoyé, soit par ses courriers soit par d'autres occasions, une pareille somme à Pétersbourg pour complaire aux désirs du Chancelier et pour le garder dans ses vues et dans ses intérêts. En attendant, vous me garderez un secret impénétrable sur ces anecdotes, que je ne vous ai communiquées que pour vous mettre au fait de tout ceci et pour avoir lieu d'approfondir adroitement ce qui en est, afin de pouvoir me faire votre rapport là-dessus.313-1

Federic.

Nach dem Concept.



313-1 Die Nachrichten aus Russland stammen aus Berichten Funcke's an Brühl, Petersburg 7. und 23. October 1752, deren Inhalt Plesmann am 2. und 6. Januar 1753 aus Dresden an den König meldete.