<115>Depuis la mort de Cromwell, son fils Richard, plus philosophe que politique, ayant renoncé à la puissance que le protecteur lui avait laissée par son usurpation, les Anglais appelèrent d'une commune voix Charles II au trône de son père. Après sa mort, Jacques II lui succéda. Guillaume, stadhouder de Hollande, qui avait épousé sa fille aînée, nommée Marie, profita de l'indisposition de la nation anglaise contre son roi, dont le crime principal était d'être catholique. Il s'était formé de longue main en Angleterre un parti considérable contre ce prince : ce parti éclata peu de temps après la mort du Grand Électeur; et ce fut alors que le prince d'Orange entreprit de détrôner son beau-père, et ne voulut devoir qu'à ses armes ce que ses intrigues tardaient trop à lui procurer. Un juif d'Amsterdam, nommé Schwartzau, lui prêta deux millions pour cette expédition, en lui disant : « Si vous êtes heureux, je sais que vous me les rendrez; si vous êtes malheureux, je consens de les perdre. »
Guillaume passa avec cette somme en Angleterre, détrôna le roi Jacques, battit le parti des opposants, et devint en quelque façon souverain légitime de ces trois royaumes par l'approbation du peuple, qui sembla autoriser son usurpation. Jacques, qui n'avait pu se faire considérer sur le trône, ni régner sur une nation dont il devait respecter les priviléges, laissa échapper le sceptre de ses mains; et, poursuivi par ses propres enfants, qui lui avaient arraché la couronne, il se réfugia en France, où sa dignité et ses malheurs ne purent le faire estimer.
Le nouveau roi d'Angleterre prit le commandement de l'armée des alliés; il gouvernait l'Europe par ses intrigues, en excitant la jalousie de tous les princes contre la puissance de Louis XIV, qu'il haïssait. Le monde était armé et en guerre, pour lui conserver le despotisme avec lequel il gouvernait les Provinces-Unies, qu'il aurait perdues en temps de paix; on l'appelait le roi de Hollande et le stadhouder d'Angleterre. Malheureux à la guerre, où il fut presque