<125> la cérémonie du sacre, on observa qu'il se mit lui-même la couronne sur la tête. Il créa en mémoire de cet événement l'ordre des chevaliers de l'Aigle noir.

Le public ne pouvait cependant pas revenir de la prévention dans laquelle il était contre cette royauté; le bon sens du vulgaire désirait une augmentation de puissance avec une augmentation de dignité. Ceux qui n'étaient pas peuple pensaient de même; il échappa à l'Électrice de dire à quelqu'une de ses femmes : « Qu'elle était au désespoir d'aller jouer en Prusse la reine de théâtre vis-à-vis de son Ésope. » Elle écrivit à Leibniz : « Ne croyez pas que je préfère ces grandeurs et ces couronnes dont on fait ici tant de cas, aux charmes des entretiens philosophiques que nous avons eus à Charlottenbourg. »a

Aux pressantes sollicitations de cette princesse, se forma à Berlin l'Académie royale des Sciences, dont Leibniz fut le chef : on persuada à Frédéric Ier qu'il convenait à sa royauté d'avoir une académie, comme on fait accroire à un nouveau noble qu'il est séant d'entretenir une meute. On se propose de parler en son lieu de cette académie avec plus d'étendue.

Le Roi s'abandonna, après son couronnement, au penchant qu'il avait aux cérémonies et à la magnificence, sans plus y mettre de bornes : à son retour de Prusse, il fit une entrée superbe à Berlin. Pendant le divertissement de ces fêtes et de ces célébrités, on apprit que Charles XII, cet Alexandre du Nord, qui aurait ressemblé en tout au roi de Macédoine, s'il eût eu sa fortune, venait de remporter sur les Saxons, auprès de Riga, une victoire complète.b Le roi de Dane-


a Le château de Lietzenbourg, bâti par le célèbre André Schlüter, et inauguré en 1696, le jour de naissance de l'Électeur, ne reçut le nom de Charlottenbourg que le 5 avril 1705, époque à laquelle le monarque, en mémoire de son épouse, la feue reine, accorda les droits de ville à ce château, ordonnance qui se trouve expressément répétée dans le testament du Roi, daté du 5 mai de la même année.

b Le siége de Riga traînant en longueur, Auguste II saisit un prétexte pour se retirer sans honte, le 9 septembre 1700.