<150> Wellingk et Meyerfeld crurent encore bien servir Charles XII en remettant cette place entre les mains du Roi : on y fit entrer deux mille Prussiens et un bataillon de troupes de Holstein, qui en composèrent la garnison.

Les alliés consentirent à ce séquestre, à condition que le Roi empêcherait les Suédois de pénétrer de la Poméranie en Pologne, de même que cette république s'engagea de son côté à maintenir la neutralité; et pour lever les scrupules qui pouvaient rester aux alliés sur cette affaire, le Roi leur paya quatre cent mille écus. Il donna une seigneuriea et une bague de grand prix à Menschikoff, qui aurait peut-être vendu son maître, si le Roi avait voulu l'acheter. De pâtissier, Menschikoff était parvenu à devenir premier ministre et généralissime du Czar. Lui et toute cette nation étaient si barbares, qu'il ne se trouvait dans cette langue aucune expression qui signifiât l'honneur et la bonne foi.

Charles XII et le roi de Danemark, celui de Pologne et l'Empereur, étaient également mécontents de ce séquestre : le roi de Suède, parce qu'il voyait bien qu'il perdait la Poméranie, ou qu'il aurait le roi de Prusse pour ennemi, lui qui en avait déjà tant. Le roi de Danemark et le roi de Pologne s'étaient proposé, à la vérité, de dépouiller Charles XII de ses provinces : pleins de cet unique objet de leur vengeance, ils n'avaient point réglé le partage de leur conquête, et ils voyaient avec envie que le séquestre mît le roi de Prusse en possession de la Poméranie; moyennant quoi, il retirait tout le fruit de la guerre, sans en avoir partagé avec eux les hasards.

L'Empereur, chassé de l'Espagne, et soutenant seul une guerre malheureuse contre la France, avait l'esprit aigri de ses mauvais succès, et voyait avec chagrin que Frédéric-Guillaume fît des acquisitions, quand il ne faisait que des pertes. Cependant la place était livrée, l'argent payé, Menschikoff corrompu, et de plus le roi de Prusse était


a Le bailliage de Biegen, auprès de Francfort.