<157> Poméranie de cette île. Cette flotte conservait l'ordre de bataille que les troupes observent sur terre. On fit mine d'aborder à l'île du côté de l'orient; mais, tournant tout d'un coup à gauche, le prince d'Anhalt débarqua ses troupes au petit port de Stresow, où l'ennemi ne l'attendait point. Il se posta en quart de cercle, de sorte que ses deux ailes étaient appuyées à la mer; il fit travailler avec beaucoup de diligence à des retranchements, qu'il fortifia de chevaux de frise. Sa disposition était telle, que deux lignes d'infanterie soutenaient le retranchement; la cavalerie formait la troisième, à l'exception de six escadrons, qu'il avait postés au dehors de ses lignes, afin d'être à portée de tomber sur le flanc gauche de ceux qui pourraient venir l'attaquer de ce côté-là.
Charles XII, trompé par la feinte du prince d'Anhalt, ne put arriver à temps pour s'opposer à son débarquement. Connaissant l'importance de cette île, quoiqu'il n'eût que quatre mille hommes, il s'avança de nuit vers le prince d'Anhalt, tant pour lui cacher le petit nombre de ses troupes, que dans l'espérance de le surprendre. Il marchait à pied, l'épée à la main, à la tête de son infanterie, qu'il conduisit jusqu'au bord du fossé. Il arracha de ses propres mains les chevaux de frise qui le bordaient; il fut blessé légèrement dans cette attaque, et le général Düring, tué à ses côtés.
L'inégalité du nombre, l'obscurité de la nuit, l'effort de ces six escadrons prussiens qui tombèrent sur le flanc des Suédois, les obstacles d'un retranchement garni de chevaux de frise, et surtout la blessure du Roi, toutes ces raisons, dis-je, firent perdre aux Suédois les fruits de leur valeur. La fortune avait tourné le dos à cette nation; tout s'acheminait à son déclin.
Le Roi, blessé, se retira pour se faire panser; ses troupes, rebutées, s'enfuirent; le lendemain douze cents Suédois furent laits prisonniers à la Fahrschanze; et l'île de Rügen fut entièrement occupée par les alliés. On donna beaucoup de regrets à la mémoire du brave colonel