<163> prit le titre de vice-roi de Sicile. Cependant l'amiral Byng vint avec vingt vaisseaux anglais dans la Méditerranée, battit la flotte espagnole dans le Fare; mais, quoiqu'il eût pris quatorze de ses plus beaux vaisseaux, il ne put empêcher que le marquis de Leyde ne prît Messine. Le duc de Savoie se détermina, dans cette nécessité, à troquer avec l'Empereur la Sicile contre le royaume de Sardaigne, dont il prit le nom dans la suite.
Le génie d'Alberoni, trop peu occupé d'une entreprise, était si vaste, qu'il en méditait plusieurs à la fois. Ses desseins s'étendaient de tous les côtés, comme ces mines qui poussent plusieurs rameaux, éloignés les uns des autres, au loin dans la campagne, qui jouent successivement, et font sauter les ennemis aux endroits où ils s'y attendent le moins. Une mine était crevée en Italie, une autre fut éventée en France.
C'était la fameuse conjuration que le prince Cellamare forma contre le Régent. Selon ce projet, l'Espagne devait faire un débarquement sur les côtes de Bretagne, rassembler les mécontents du Poitou, saisir le Roi et le duc d'Orléans, assembler les états généraux, qui représentent la nation en corps, et faire nommer le roi d'Espagne tuteur de Louis XV et régent de France. Un hasard singulier fit avorter ce dessein. Le secrétaire du prince Cellamare était un des chalands de la Fillon, personne renommée pour les mariages clandestins qui se faisaient chez elle. L'industrie de cette femme avait servi plus d'une fois le Régent et le cardinal du Bois. La Fillon trouvant un jour le secrétaire d'Espagne plus rêveur qu'à son ordinaire, et ne pouvant tirer de lui le sujet de sa mauvaise humeur, lui lâcha une fille adroite et rusée, qui le fit boire et parler. Cette fille le fouilla dans son ivresse. Les papiers dont il était chargé parurent à la Fillon de si grande conséquence, quelle les porta dans l'instant au Régent. Ce prince fit arrêter sur le champ le secrétaire. Tous les complices de la conjuration furent découverts; il en coûta la vie à