<198> On ôta le commandement de l'armée à Königsegg, de même qu'à ses prédécesseurs; et, pour le consoler, on le fit grand maître de la maison de l'Impératrice. Olivier Wallis fut choisi pour le remplacer; ce maréchal écrivit au Roi, et il dit dans sa lettre : « L'Empereur m'a confié le commandement de son armée : le premier qui l'a conduite avant moi, est en prison; celui auquel je succède, a été fait eunuque du sérail; il ne me reste que d'avoir la tête tranchée à la fin de ma campagne. »
L'armée impériale, forte de soixante mille hommes, s'assembla auprès de Belgrad; celle des Turcs était plus nombreuse du double. Wallis marcha à l'ennemi, sans savoir précisément sa force; et, sans avoir fait la moindre disposition, il attaqua avec sa cavalerie, par un chemin creux, un gros corps de Janissaires posté dans des vignes et des haies, auprès du village de Krozka; et il fut battu dans ce défilé, avant que son infanterie eût le temps d'arriver. Celle-là fut menée à la boucherie avec la même imprudence; de sorte que les Turcs pouvaient tirer à couvert sur elle. Sur la fin du jour, les Impériaux se retirèrent, après avoir laissé vingt mille hommes sur le carreau. Si l'armée turque les eût poursuivis, c'en était fait de Wallis et de tout le corps qu'il commandait. Ce maréchal, étourdi de cette disgrâce, au lieu de reprendre ses esprits, accumula ses fautes. Quoique Neipperg l'eût joint avec un gros détachement, il ne se crut en sûreté que dans les retranchements de Belgrad, qu'il abandonna encore, et repassa le Danube à l'approche du grand vizir. Les Turcs, qui ne trouvèrent dans leur chemin aucune résistance, mirent le siége devant Belgrad.
Les mauvais succès des Impériaux étaient balancés par les progrès des Russes. L'armée moscovite, plus heureuse sous la conduite de Münnich, battit les Turcs auprès de Chotzim, prit cette ville, et pénétra par la Moldavie en Valachie, dans le dessein de joindre les