<211>L'infanterie combattait alors sur cinq ou six files de hauteur; les piquiers faisaient un tiers d'un bataillon; le reste des soldats étaient armés de mousquets à l'allemande. L'infanterie, quoique assez mal vêtue, avait, outre ses habits d'ordonnance, de longs manteaux roulés et repliés sur les épaules, à peu près de la façon que des bustes antiques nous représentent les consulaires romains. Lorsque l'Électeur fit cette célèbre expédition de Prusse en hiver, il fit distribuer des bottines à tous les fantassins.
Sa cavalerie avait encore l'ancienne armure en entier; elle ne pouvait guère être disciplinée, car chaque cavalier se pourvoyait de chevaux, d'habits et d'armes, d'où il résultait une bigarrure étrange pour tout le corps. Il paraît que Frédéric-Guillaume préférait sa cavalerie à son infanterie : il combattit à la tête de la première aux batailles de Varsovie et de Fehrbellin. Il avait tant de confiance dans cette troupe, qu'on trouve fréquemment dans l'histoire que sa cavalerie menait du canon avec elle. Il est très-apparent que cette prédilection n'était pas sans fondement, et que l'Électeur, ayant fait ses remarques sur la nature de ses États, qui sont plaines pour la plupart, et sur les troupes de ses voisins, principalement des Polonais, qui consistent presque toutes en gens de cheval, préféra par ces raisons sa cavalerie à son infanterie, comme lui étant d'un usage plus universel.
Du temps de Frédéric-Guillaume, on ne formait point de magasin : le pays où l'on faisait la guerre fournissait à l'entretien des troupes, tant pour la paye que pour les vivres. On ne campait que lorsque l'ennemi s'approchait de l'armée, et qu'on pouvait ou voulait en venir aux mains. Par ces raisons, on quittait un pays après l'avoir mangé; les armées vagabondes désolaient une province après l'autre; et les guerres se perpétuaient d'autant plus que les armées étaient petites, leur entretien, peu coûteux, et que les généraux qui conduisaient les troupes trouvaient le moyen de s'enrichir en prolongeant la guerre.