<237> despotique sans retenue; les ecclésiastiques seraient autant de tyrans, qui, exerçant leur sévérité sur le peuple, n'auraient d'indulgence que pour leurs crimes; la foi, l'ambition et la politique leur asserviraient l'univers. A présent qu'il y en a plusieurs, aucune de ces sectes ne sort, sans s'en repentir, des voies de la modération : l'exemple de la réforme est un frein qui empêche le pape de se livrer à son ambition, et il craint avec raison la défection de ses membres, s'il abuse de son pouvoir; aussi devient-il sobre d'excommunications, depuis qu'une pareille démarche lui enleva Henri VIII et le royaume d'Angleterre. Le clergé catholique et le protestant, qui s'observent avec une disposition égale à la critique, sont obligés des deux côtés à garder au moins une décence extérieure; ainsi tout reste en équilibre : heureux, si l'esprit de parti, le fanatisme et un excès d'aveuglement ne les précipitent jamais dans des guerres dont la fureur est le partage, et que des chrétiens ne devraient jamais se faire!
En regardant la religion simplement du côté de la politique, il paraît que la protestante est la plus convenable aux républiques et aux monarchies; elle s'accorde le mieux avec cet esprit de liberté qui fait l'essence des premières : car, dans un État où il faut des négociants, des laboureurs, des artisans, des soldats, des sujets en un mot, il est sûr que des citoyens qui font vœu de laisser périr l'espèce humaine, deviennent pernicieux. Dans les monarchies, la religion protestante, qui ne relève de personne, est entièrement soumise au gouvernement : au lieu que la catholique établit un État spirituel, tout puissant, fécond en complots et en artifices, dans l'État temporel du prince; que les prêtres, qui dirigent les consciences et qui n'ont de supérieur que le pape, sont plus maîtres des peuples que le souverain qui les gouverne; et que, par une adresse à confondre les intérêts de Dieu avec l'ambition des hommes, le pape s'est vu souvent en opposition avec des souverains, sur des sujets qui n'étaient aucunement du ressort de l'Église.