<246> moins. Les souverains donneront un certain vernis de politesse à leur nation; ils maintiendront les lois dans leur vigueur, et les sciences dans la médiocrité : mais ils n'altéreront jamais l'essence des choses; ils n'ajoutent que quelque nuance passagère à la couleur dominante du tableau. C'est ce que nous avons vu de nos jours en Russie. Pierre Ier fit couper la barbe à ses Moscovites; il leur ordonna de croire à la procession du Saint-Esprit; il en fit habiller quelquesuns à la française; on leur apprit même des langues : cependant on distinguera encore longtemps les Russes des Français, des Italiens, et des autres nations de l'Europe. Il n'y a, je crois, que la dévastation entière des États, et leur repeuplement par des colonies étrangères, qui puissent produire un changement total dans l'esprit d'un peuple : mais qu'on y prenne bien garde, ce n'est dès lors plus la même nation; et il resterait encore à savoir si l'air et la nourriture ne rendraient pas, avec le temps, ces nouveaux habitants semblables aux anciens.
Nous nous sommes cru obligé de séparer ce morceau, qui traite des mœurs des Brandebourgeois, du reste de l'Histoire, à cause que dans celle-là on s'est restreint à la politique et à la guerre, et que ces détails qui regardent les usages, l'industrie et les arts, étant répandus dans tout un ouvrage, auraient peut-être échappé au lecteur; au lieu qu'il les trouve à présent sous un seul point de vue, où ils forment seuls un petit corps d'histoire.
Les auteurs latins m'ont servi de guide dans les commencements de cet ouvrage, au défaut total de ceux du pays; Lockelius, que j'aurai lieu de citer souvent, m'a éclairé dans les régences ténébreuses des margraves des quatre premières races; et les archives m'ont fourni des matériaux pour ce qu'il y a de plus remarquable à dire des temps que la maison de Hohenzollern a possédé cet électorat, ce qui nous ramène jusqu'à nos jours.