<253>On commença enfin à connaître un certain luxe, proportionné à ces temps; mais comme on ne trouve point que l'industrie ni le commerce du Brandebourg fissent des progrès à proportion des dépenses, l'augmentation des richesses et leur cause demeurent un problème difficile à résoudre.
Dès l'année 1560, on s'aperçoit d'une grande différence dans les dépenses des électeurs; car lorsque Joachim II se rendit à la diète de Francfort,61 il eut soixante-huit gentilshommes à sa suite, et quatre cent cinquante-deux chevaux dans ses équipages.62 Le grand jeu s'introduisit à Berlin au retour de ce voyage; cette mode passa de la cour à la ville, où on fut obligé de la défendre, à cause que quelques bourgeois avaient perdu plus de mille écus dans une séance.
Les Annales disent qu'au mariage de Joachim II avec Sophie,a fille de Sigismond, roi de Pologne, l'Électeur coucha la nuit des noces, armé de toutes pièces, auprès de sa jeune épouse, comme si les tendres combats de l'amour demandaient des préparatifs aussi redoutables. Un mélange de férocité et de magnificence entrait dans toutes les coutumes de ces temps : ces singularités venaient de ce que le siècle voulait sortir de la barbarie; il cherchait le bon chemin et le manquait; sa grossièreté confondait les cérémonies avec la politesse, la magnificence avec la dignité, les débauches avec le plaisir, la pédanterie avec le savoir, et les platitudes grossières des bouffons avec les ingénieuses saillies de l'esprit.
On doit rapporter au règne de Joachim II la fondation de l'université de Königsberg par Albert de Prusse.
Les dépenses allèrent toujours en augmentant : Jean-George fit des obsèques superbes à son père; c'est la première pompe funèbre accompagnée de magnificence dont l'histoire de Brandebourg fait
61 En 1562, convoquée par l'empereur Ferdinand pour l'élection d'un roi des Romains.
62 Lockelius.
a Hedwige.