<259> tissus sur des métiers, des chapeaux de castor, de lapin et de poil de lièvre, des teintures de toutes les espèces. Quelques-uns de ces réfugiés se firent marchands, et débitèrent en détail l'industrie des autres : Berlin eut des orfèvres, des bijoutiers, des horlogers, des sculpteurs; et les Français qui s'établirent dans le plat pays, y cultivèrent le tabac, et firent venir des fruits et des légumes excellents dans les contrées sablonneuses, qui, par leur soin, devinrent des potagers admirables. Le Grand Électeur, pour encourager une colonie aussi utile, lui assigna une pension annuelle de quarante mille écus, dont elle jouit encore.
Ainsi l'Électorat se trouva plus florissant vers la fin de la régence de Frédéric-Guillaume, qu'il ne l'avait été sous aucun de ses ancêtres; et la grande augmentation des manufactures étendit les branches du commerce, qui roula dans la suite sur nos blés, sur les bois, sur les étoffes et les draps, et sur nos sels. L'usage des postes, inconnu jusqu'alors en Allemagne, fut introduit par le Grand Électeur dans tous ses États, depuis Emmerich jusqu'à Memel. Les villes payaient des taxes arbitraires, qui furent abolies; l'établissement de l'accise les remplaça. Les villes commencèrent à se policer; on pava les rues, et on plaça de distance en distance des lanternes pour les éclairer. Cette police était d'une nécessité indispensable; car les courtisans étaient obligés daller en échasses au château de Potsdam, lorsque la cour s'y tenait, à cause des boues qu'il fallait traverser dans les rues.
Le Grand Électeur, quoique généreux et magnifique pour sa personne, fit des lois somptuaires. Sa cour était nombreuse, et sa dépense se faisait avec dignité : aux fêtes qu'il donna au mariage de sa nièce, la princesse de Courlande,a cinquante-six tables de quarante couverts furent servies à chaque repas. L'activité infatigable de ce
a La princesse Louise-Élisabeth épousa Frédéric II, landgrave de Hesse-Hombourg; le mariage fut célébré le 23 octobre 1670.