<268> tous les états, chez le riche comme chez le pauvre. Sous les règnes précédents, beaucoup de nobles vendaient leurs terres pour acheter du drap d'or et des galons; cet abus cessa. Dans la plupart des États prussiens, les gentilshommes ont besoin d'une bonne économie, pour soutenir leurs familles, à cause que le droit de primogéniture n'a point lieu, et que les pères, ayant beaucoup d'enfants à établir, ne peuvent procurer que par leur épargne un revenu honnête à ceux qui, après leur mort, partagent leur maison dans des branches nouvelles. Cette diminution dans la dépense du public n'empêcha pas beaucoup d'artisans de se perfectionner; nos carrosses, nos galons, nos velours, et nos ouvrages d'orfèvrerie, se répandirent par toute l'Allemagne.
Mais ce qu'il y eut de déplorable, ce fut que, pendant qu'on faisait des arrangements si utiles et si grands, on laissa tomber dans une décadence entière l'Académie des Sciences, les universités, les arts libéraux et le commerce. On remplissait mal et sans choix les places qui venaient à vaquer dans l'Académie royale des Sciences; et, par une dépravation singulière, le siècle affectait de mépriser une société dont l'origine était aussi illustre, et dont les travaux tendaient autant à l'honneur de la nation, qu'aux progrès de l'esprit humain.
Pendant que tout ce corps tombait en léthargie, la médecine et la chimie se soutinrent : Pott, Marggraf, et Eller, combinaient et décomposaient la matière; ils éclairaient le monde par leurs découvertes; et les anatomistes obtinrent un théâtre pour leurs dissections publiques, qui devint une école florissante de chirurgie.
Mais la faveur et les brigues remplissaient les chaires de professeurs dans les universités; les dévots, qui se mêlent de tout, acquirent une part à la direction des universités; ils y persécutaient le bon sens, et surtout la classe des philosophes : Wolff fut exilé pour avoir déduit avec un ordre admirable les preuves sur l'existence de Dieu. La jeune noblesse, qui se vouait aux armes, crut déroger en étudiant;