<269> et comme l'esprit humain donne toujours dans les excès, ils regardèrent l'ignorance comme un titre de mérite, et le savoir comme une pédanterie absurde.
La même raison fit que les arts libéraux tombèrent en décadence : l'Académie des Peintres cessa : Pesne, qui en était le directeur, quitta les tableaux pour les portraits; les menuisiers s'érigèrent en sculpteurs, et les maçons, en architectes. Un chimiste, nommé Böttger, passa de Berlin à Dresde, et donna au roi de Pologne le secret de cette porcelaine qui surpasse celle de la Chine par l'élégance des formes et la finesse de la diaprure.
Notre commerce n'était pas encore né : le gouvernement l'étouffait, en suivant des principes qui s'opposaient directement à ses progrès. Il n'en faut point conclure que la nation manque de génie propre au négoce. Les Vénitiens et les Génois furent les premiers qui le saisirent : la découverte de la boussole le fit passer chez les Portugais et les Espagnols; il s'étendit ensuite en Angleterre et en Hollande; les Français s'y appliquèrent des derniers, et ils regagnèrent de vitesse ce qu'ils avaient négligé par ignorance. Si les habitants de Danzig, de Hambourg, de Lübeck, si les Danois et les Suédois s'enrichissent tous les jours par la navigation, pourquoi les Prussiens n'en feraientils pas autant? Les hommes deviennent tous des aigles, quand on leur ouvre les chemins de la fortune; il faut que l'exemple les anime, que l'émulation les excite, et que le souverain les encourage. Les Français ont été tardifs, nous le sommes de même; peut-être est-ce que notre heure n'est pas encore venue.
On songeait moins alors à étendre le commerce, qu'à réprimer les dépenses inutiles. Les deuils avaient été autrefois ruineux pour les familles : on donnait des festins aux enterrements; la pompe funèbre était même coûteuse. Toutes ces coutumes furent abolies : on ne drapa plus les maisons ni les carrosses; on ne donna plus de livrées noires; et depuis on mourut à fort bon marché.