<68> le Czar avait pénétré jusqu'en Lithuanie dès l'année précédente. Cette irruption avait pour prétexte l'omission frivole de quelques titres que la chancellerie polonaise avait oublié de donner au Czar; et il était bien étrange qu'une nation qui ne savait peut-être pas lire, fît la guerre à ses voisins pour la vétille grammaticale d'une adresse de lettre.
Cependant les Suédois, profitant de l'embarras de leurs ennemis, faisaient des progrès considérables; maîtres de la Prusse, ils y prirent des quartiers en s'approchant de Königsberg. Ces entreprises rendaient la situation de l'Électeur plus dure de jour en jour; il touchait au moment qu'il ne pouvait plus conserver sa neutralité sans exposer la Prusse à une ruine inévitable. Comme les Suédois lui avaient fait à plusieurs reprises des propositions avantageuses, il s'attacha à leur fortune, et conclut à Königsberg son traité avec cette couronne, par lequel il se reconnaissait vassal de la Suède, et lui promettait hommage de la Prusse-Ducale, à condition qu'on séculariserait l'évêché de Warmie en sa faveur. Pour fortifier son parti, Frédéric-Guillaume entra en alliance avec Louis XIV, qui lui garantit ses provinces situées le long du Rhin et du Wéser.
Il changea depuis, à Marienbourg, son traité avec les Suédois en alliance offensive. Le Roi et l'Électeur eurent ensuite une entrevue en Pologne, où ils convinrent des projets de leur campagne, et surtout des moyens de reprendre Varsovie des mains des Polonais, qui venaient d'en déloger les troupes suédoises. L'Électeur marcha ensuite par la Mazovie, et joignit l'armée suédoise au confluent du Bug et de la Vistule; les alliés passèrent le Bug en même temps que l'armée polonaise passa la Vistule à Varsovie, de sorte qu'il n'y avait plus d'obstacle qui les séparât.
Les ministres de France, d'Avaugour et de Lombres, se flattaient de concilier les esprits par le moyen de leurs négociations; ils passèrent pour cet effet souvent d'un camp à l'autre : mais les Polonais,