<XI> en même temps la conduite des éditeurs, qui osaient présenter un pareil trésor dans un état aussi déplorable.
Tout esprit élevé, depuis Justus Möser et Göthe, a rendu et rendra un légitime hommage aux Œuvres de Frédéric, comme au monument impérissable d'un grand règne et d'une haute intelligence. Avec la gloire littéraire du Roi, on vit tous les jours grandir aussi l'influence salutaire de ses ouvrages : rois, ministres, savants, militaires, hommes de tous états et de toutes croyances, trouvèrent une matière inépuisable d'enseignement et d'admiration dans les écrits d'un prince à la fois père de son peuple et ami des savants, mais ami surtout de la vérité; d'un prince qui consacra ses rares loisirs aux travaux de l'esprit et à l'instruction de ses généraux; qui peignit de main de maître les personnages et les événements de son temps, et voulut être avec franchise et loyauté l'historien de son propre règne. La postérité lui a su gré d'avoir laissé subsister, à côté du roi, l'homme et le penseur; et en même temps qu'il soumettait lui-même hardiment les principes des devoirs royaux à l'examen philosophique, d'avoir donné l'essor dans ses vers tantôt à sa verve satirique, tantôt aux sentiments tendres et religieux de son âme; enfin de s'être laissé voir tout entier dans ses nombreuses correspondances, par lesquelles cet esprit ardent et communicatif allait déposer, dans le sein de ses amis, ses convictions et ses sentiments les plus intimes.
Mais rien n'atténuait le regret de ne posséder les Œuvres du grand roi que dans une édition si informe. On se livra même à des suppositions qui n'étaient que trop justifiées par un travail aussi arbitraire que négligé; et des hommes haut placés, parmi lesquels nous citerons M. de Dohm, soupçonnèrent les éditeurs d'avoir, dans une intention blâmable, altéré le texte et substitué des passages entiers. Aujourd'hui que tous les moyens de preuve sont entre nos mains, nous pouvons déclarer, à l'honneur des éditeurs, que ces soupçons n'étaient pas fondés.