ÉPITRE V. A D'ARGENS.a SUR LA FAIBLESSE DE L'ESPRIT HUMAIN.
Oui, je doute avec vous; j'adopte, cher d'Argens,
La raison qui retient votre esprit en suspens,
Qui, loin de décider légèrement des choses,
Vous fait modestement examiner les causes.
Vous connaissez l'erreur de nos opinions,
L'aveuglement honteux des superstitions;
Je vois entre les mains d'un philosophe libre
Sa balance, en flottant, respecter l'équilibre;
Satisfait de douter, mais craignant d'affirmer,
Les fureurs des partis n'ont pu vous animer.
Fier et présomptueux dans ma tendre jeunesse,
J'aimais à décider, c'était une faiblesse;
Dans un âge plus mûr, j'ai connu mes erreurs,
Mon ignorance extrême et l'orgueil des docteurs;
a Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens, naquit le 24 juin 1704, à Aix en Provence. En 1741, il accompagna à Berlin la duchesse douairière de Würtemberg, et devint bientôt l'ami intime de Frédéric En 1769 il retourna dans sa patrie, et mourut le 12 janvier 1771, au château de la Garde, près de Toulon. Voyez ci-dessus, p. 75.