<111>Philosophe prudent, généreux sénateur,
Père de la patrie et fléau de l'erreur,
O sage Cicéron, présidez à ma verve,
Soyez mon Uranie et soyez ma Minerve,
Vous, de qui l'éloquence en plein barreau dompta
Le rapace Verrès, l'affreux Catilina;
Qui, retiré depuis dans les champs de Tuscule,
Apprîtes à douter au monde trop crédule,
Et peignant la vertu dans toute sa beauté,
Montrâtes le chemin de la félicité.
Oui, laissons dans les cieux la science sublime,
Travaillons dans le monde à détruire le crime :
Que sert-il après tout à l'esprit curieux
De descendre aux enfers, d'escalader les cieux?
Loin de nous égarer dans ce sombre dédale,
Appliquons notre esprit à l'utile morale :
C'est elle qui, sondant tous les replis des cœurs,
Sans fard ose aux mortels reprocher leurs noirceurs,
Dévoiler leurs défauts, attaquer leurs caprices,
Distinguer hardiment leurs vertus et leurs vices,
Dompter des passions tous les transports outrés,
Changer des furieux en humains modérés,
Nous apprendre à connaître au fond ce que nous sommes,
Et rabaisser les rois jusqu'au niveau des hommes;
C'est elle qui nous fait triompher des revers.
O céleste morale, épurez tous mes vers,
Accordez Épicure avec l'âpre stoïque,
Rendez l'un plus nerveux, l'autre moins tyrannique,
Préparez le chemin qui mène à la vertu :
Plus on l'adoucira, plus il sera battu.