<116>Et moissonne à grands coups cette forêt d'épis;
Et l'on voit sur ses pas ses enfants accroupis
Qui, recueillant le blé de leurs râteaux fidèles,
Après l'avoir lié, l'entassent en javelles;
De là le bœuf tardif vers le plus proche lieu
Traîne à pas lents ce poids qui fait gémir l'essieu;
Plus loin, des bras nerveux, forts de leur tempérance,
Par des coups redoublés le battent en cadence,
Et séparent enfin par leurs pesants fléaux
L'aliment des humains de celui des troupeaux.
Voici de nouveaux soins : ce grain que l'on sépare
Par un autre instrument se broie et se prépare;
Il change de nature; une pierre, en tournant,
Opère ce miracle à la faveur du vent;
C'est une poudre fine artistement broyée,
Il faut pour vous nourrir qu'elle soit délayée,
Que la chaleur du four et l'aide du levain
Par un dernier effort la transforment en pain.
Dans vos riches palais, votre fière mollesse
De ce simple aliment dédaigne la bassesse;
Trop loin des laboureurs qui peuplent les hameaux,
Vous couvrez de mépris leurs utiles travaux.
Vous ignorez encor par quel immense ouvrage
Le Français prépara cet excellent breuvage,
Ce vin, que vous buvez d'un air de connaisseur,
Et dont vous nous vantez la séve et la douceur.
Les fertiles coteaux où serpente la Saône
L'ont fait croître et mûrir vers la fin de l'automne;
Le vigneron soigneux en cultiva le plant,
Il donna des appuis au débile sarment,
Il pressa des raisins la liqueur empourprée,