<146>A vu de ses guerriers les cœurs abâtardis
Succomber sous l'effort des Russes enhardis;a
La Finlande, témoin de leur honteuse fuite,
Sous un joug étranger naguère fut réduite.b
Par un destin pareil, ces fiers républicains
Dont la valeur brisa les fers de leurs Tarquins,
Et noya dans le sang l'idole politique
Qu'élevait dans leurs murs un maître tyrannique,
Virent dégénérer leurs indignes neveux
Et souiller les vertus qui paraient leurs aïeux.
De leurs lâches soldats la déroute fut prompte,
Laeffelt et Fontenoi sont témoins de leur honte,
Le Batave, à la peur indignement livré,
Cherchait dans ses roseaux un asile assuré :c
Telle est la lâcheté d'un cœur pusillanime,
La faiblesse est sa honte et la peur est son crime.
Le véritable honneur tient un milieu prudent,
Il n'a point de faiblesse, il n'est jamais ardent;
Assuré de son cœur et maître de lui-même,
Ce n'est pas un vain nom, mais la vertu qu'il aime.
Mais si le point d'honneur cause d'autres effets,
S'il produit des débats, des meurtres, des forfaits,
Sa vertu disparaît, et c'est scélératesse.
Cet excès perd souvent l'indocile jeunesse;
Au violent courroux prompte à s'abandonner,
Elle est sur un seul mot prête à s'assassiner;
L'honneur est dans sa bouche, et pleine d'arrogance,


a Succomber sous l'effort d'ennemis enhardis. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 198)

b Voyez t. II, p. 155 et 156, et t. III, p. 8.

c Voyez t. III, p. 108, et t. IV, p. 13 et 14.