<148>Arrêtez vos fureurs et suspendez vos coups :
Cette terre, inhumains, qui vous sert de patrie,
Se voit avec horreur de votre sang rougie.
« Verrai-je, ô ciel! dit-elle, égorger mes enfants?
Leurs parricides mains leur déchirer les flancs?
Quel monstre des enfers, quelle affreuse Euménide
Ramène les forfaits que vit la Thébaïde?
Parlez, êtes-vous nés des dents de ce dragon,
Abattu par Cadmus près du mont Cithéron,
Dont le venin semé produisit sur la terre
Un peuple qui périt en se faisant la guerre?
Ne vous ai-je nourris que pour m'abandonner,
Pour trahir votre mère et vous exterminer?
Barbares assassins! si j'ai pu vous produire,
C'était pour vous aimer, et non pour vous détruire;
Épargnez ce beau sang; que mes rivaux jaloux,
Vaincus par vos exploits, périssent sous vos coups.
Oui, signalez contre eux le vertueux courage
Qui, tourné contre vous, n'est qu'une aveugle rage.
Vos duels à mes yeux vous font des meurtriers,
Des mains de la victoire attendez vos lauriers.
Le courage rend-il les humains sanguinaires?
Quel pouvoir avez-vous sur les jours de vos frères?
Quittez de vos fureurs l'affreuse illusion. »
J'applaudis de bon cœur à notre nation,
Lorsque de ses succès présents à ma mémoire
Je me rappelle ici la grandeur et la gloire.
Mânes que je révère, invincibles héros
Dont la haute valeur terrassa nos rivaux,
Souffrez que j'ose orner mes poëmes funèbres