<160>Prend la poudre d'Ailhauda pour une panacée;
Aucun d'eux ne connaît l'empirique docteur,
Du remède nouveau téméraire inventeur;
Sans un long examen, qui leur est incommode,
Éblouis par l'espoir, attirés par la mode,
Ils éprouvent sur eux quels seront ses effets.
Ne vous souvient-il plus du règne des sachets,
Fameux préservatif du mal qu'on appréhende,
Aussi sûr que les os d'un saint de la légende?
J'ai vu, Bredow, j'ai vu mes chers concitoyens,
Chargeant de ces sachets leurs cous luthériens,
Dans leur crédulité braver la léthargie,
Et ne plus redouter les coups d'apoplexie.
Faut-il approfondir si le remède est bon,
Si c'est un antidote ou si c'est un poison?
Claudine l'applaudit, Marthe s'en est servie,
Suffit, il faut en prendre, au risque de sa vie.
Sur la fortune enfin on ne voit pas plus clair,
Tant l'esprit des humains est frivole et léger!
Rappelez-vous les temps de Law et du système :
Jadis les bons chrétiens couraient moins au baptême
Que le peuple français, dans ses transports outrés,
S'empressait de gagner de ces papiers timbrés;
La triste vérité, dissipant leur chimère,
Au sein de leurs trésors étala leur misère.
Quoi! Bredow, vous riez de mes raisonnements?
a Jean Ailhaud, chirurgien, né à Lourmian en Provence, ne doit sa célébrité qu'à la poudre purgative qui porte son nom, et qui n'était autre chose qu'un mélange de résine, de scammonée et de suie. En 1788, il publia un Traité de l'origine des maladies et des effets de la poudre purgative. Il mourut à Aix, en 1706, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.