<198>Des flambeaux de la nuit ses rayons triomphants
Paraissent et plus purs et plus étincelants.
Dites, par quel prestige ou bien par quel miracle
L'art pourra-t-il jamais atteindre à ce spectacle?
Et par quelles couleurs peindrez-vous du soleil
La pompe fastueuse et l'éclat sans pareil?
Grauna n'imitera point, quoiqu'il soit un grand maître,
Le doux gazouillement si simple et si champêtre
Du tendre rossignol et des chantres des bois,
Quand l'aube d'un beau jour semble exciter leurs voix.
Une nymphe à quinze ans de sa beauté parée
A vos visages peints doit être préférée;
Malgré le vermillon, les pompons et le fard,
La nature a le droit de triompher de l'art.
Tels sont les doux plaisirs d'une vie innocente.
Si leur simplicité vous paraît moins brillante
Que vos fêtes, vos jeux, où tout est cadencé,
Sachez qu'étant unis ils n'ont jamais lassé;
Ils sont comme un ruisseau qui voit couler sans peine
Son onde de cristal sur l'argentine arène;
Il embellit les prés, en les rendant féconds,
Il ne se vante point de ses superbes ponts,
Et sans avoir l'honneur qu'ont les grandes rivières
De porter des bateaux décorés de bannières
Et de laver les murs des plus grandes cités,
Où par nos bons Germains leurs flots sont insultés,
Sa course moins gênée en est bien plus égale.
Goûtez de ces plaisirs qu'enseigne ma morale,
Les remords dévorants ne les suivent jamais,


a Charles-Henri Graun, qui fut vingt-cinq ans maître de chapelle du Roi, naquit à Wahrenbrück en Saxe, et mourut à Berlin le 8 août 1759, âgé de cinquante-cinq ans.