<207>Ces grappes, au pressoir réduites en liqueurs,
Chassent l'ennui chez l'homme, et raniment les cœurs;
Mes pampres ont orné dans des fêtes galantes
Le thyrse de Bacchus, la tête des bacchantes :
Ta beauté n'a qu'un temps, et je dure toujours. »
Un gros vilain chardon écoutant leurs discours,
Occupant un terrain qu'il rendait inutile,
Leur dit, en hérissant son panache stérile :
« Je n'ai ni vos parfums ni vos fruits de bon goût,
Mais tout terrain m'est bon, ma plante vient partout,
Et vos fruits et vos fleurs, de quel nom qu'on les nomme,
Ne sont qu'un vil tribut que vous payez à l'homme :
De notre liberté nous connaissons le prix :
Allez, et des chardons n'attendez que mépris. »
Déjà ces végétaux se seraient fait la guerre,
Ils se seraient battus; mais ils tenaient en terre.
Au fort du démêlé, l'aigle de Jupiter
Entendit leurs brocards, planant sur eux en l'air.
« Étouffe, vil chardon, dit-il, ta voix profane;
Rebut de la nature et pâture de l'âne,
Que ma leçon t'apprenne à te moins estimer :
Il faut être parfait quand on veut tout blâmer. »
Et s'adressant, après, à ces diverses plantes :
« Réprimez, leur dit-il, vos satires mordantes,
Et sans vous avilir par vos propos amers,
Applaudissez plutôt à vos talents divers.
Tout est ce qu'il doit être, et les vignes, les roses
Tiennent toutes leur rang selon l'ordre des choses :
N'élevez pas trop haut vos téméraires vœux. »
Oui, la perfection est l'attribut des dieux;
Du bon et du mauvais le bizarre assemblage