<210>Avec moins de talents que ses rivaux n'en ont,
Admire ce qu'il fait, déchire ce qu'ils font;
Il pense qu'en jouant le rôle de Zoïle,
L'univers abusé l'en croira plus habile.
Un autre, plus pervers, va jusqu'à la noirceur;
Aux charmes de l'esprit il immole son cœur,
Prépare des poisons, s'arme de la satire,
Comme un chien furieux, attaque, mord, déchire;
De l'encens des humains son esprit altéré
Ne s'est perdu d'honneur que pour être admiré.
D'autres présomptueux qui s'élèvent aux nues
Débitent hardiment leurs visions cornues,
Du vulgaire ignorant se font les précepteurs,
Et se flattent d'atteindre au rang des grands auteurs;
Mais le public ingrat, dédaignant leurs hommages,
Siffle cruellement l'auteur et ses ouvrages.
J'en ai même connu d'assez écervelés
Et du faux bel esprit assez ensorcelés
Pour oser nier Dieu présent à leur mémoire,
Lorsque tout l'univers nous annonce sa gloire;a
Il leur importait peu d'avoir raison ou tort,
Ils voulaient s'illustrer d'un brevet d'esprit fort,
Et pour se distinguer du vulgaire orthodoxe,
Ces raisonneurs abstraits s'armaient du paradoxe.
A ce prix, que le ciel nous prive de l'esprit!
C'est dans un vase impur un miel doux qui s'aigrit;
C'est l'esclave du cœur, il en reçoit l'empreinte,
Chez le tendre il est doux, chez le dur plein d'absinthe;
Défenseur obstiné de nos productions,
Avocat éloquent d'indignes passions,
a Voyez ci-dessus, p. 65.