<212>Avec quelques talents avait tant de noirceur,
Qu'en tolérant ses vers, on abhorrait son cœur.
Avec beaucoup d'esprit on peut être perfide,
Trompeur, fripon, brigand, scélérat, parricide.
Cromwell, qui chez l'Anglais fit respecter ses lois,
Qui du trône sanglant précipita ses rois,
Cromwell, ce fourbe heureux, sans qu'il daignât paraître,
Fit sur un échafaud exécuter son maître;
Vainqueur dans les combats, il soumit ses égaux :
Cromwell eut quelques traits qui forment les héros.
Un esprit malfaisant, toujours enclin à nuire,
Séduisant quelquefois, ne peut toujours séduire;
Souvent il éblouit par des dehors brillants,
Mais lorsqu'on les connaît, on hait tous les méchants;
Leur esprit est pareil aux arides contrées
Qui portent pour tout fruit des ronces bigarrées;
Les malheureux efforts de leur fécondité
Nous nuisent encor plus que leur stérilité.
Si le public, poussé d'un caprice bizarre,
Admire aveuglément le singulier, le rare,
Je prétends lui produire, en un terme prescrit,
Pour un homme d'honneur cent personnes d'esprit;
J'entends ici l'honneur pris dans un sens sévère,
Qui ne brilla jamais dans une âme vulgaire.
Le monde de nos mœurs juge légèrement,
Il condamne, il approuve, et, sans discernement,
Trouve la probité, la bonté, la prudence
Où le sage éclairé n'en voit pas l'apparence.
Le nonchalant Simon passe pour vertueux,
S'il n'est point criminel, c'est qu'il est paresseux;
Le sot Afranius d'aucun mal ne s'avise,