<224>On va prêchant toujours la morale sévère,
Dans des vers chevillés tristement vertueux?
Quoi! veut-on repeupler des couvents de chartreux?
Veut-on que la raison, outrageant la nature,
En herbe ose étouffer notre race future?
Serions-nous, par raison, de ces monstres hideux
Par un pacha jaloux réduits à leurs neveux?
Je veux être Ixion, je veux être Tantale,
Si jamais à ce but a tendu ma morale :
La sagesse, Chasot, prudente en ses leçons.
Évite les excès où donnaient les Catons.
Loin d'ici ce docteur qui sans cesse nous damne!
L'amour est approuvé, l'abus, on le condamne;
Rien n'est de sa nature absolument mauvais,
Mais le bien et le mal sont voisins d'assez près.
L'amour paraît semblable aux plantes venimeuses,
Mortelles quelquefois, et toujours dangereuses;
Mais, en les mitigeant, de savants médecins
S'en servent, par leur art, au salut des humains;
Loin d'être un aliment, ce doit être un remède.
Un amour modéré peut venir à notre aide,
Quand, lassés d'un travail long et laborieux,
Nous empruntons de lui quelques moments joyeux.
Si je vous ai tracé d'une touche légère
Les écueils différents qu'ont les mers de Cythère,
C'est pour vous empêcher d'y périr quelque jour;
Arrosez cependant les myrtes de l'Amour,
Et suivant les conseils que vous dicte ma verve,
En adorant Vénus, n'oubliez pas Minerve,
Et recueillez toujours, sensible à votre nom,
Les suffrages de Mars avec ceux d'Apollon.