<235>Ces globes enflammés qui parcourent les cieux
De l'astre des saisons renouvellent les feux.
La nature, attentive et de son bien avare,
Fait des pertes toujours, et toujours les répare;
Depuis les éléments jusques aux végétaux,
Tout change, et reproduit quelques objets nouveaux;
La matière est durable et se métamorphose,
Mais si l'ordre l'unit, le temps la décompose.
Le ciel pour peu de temps nous a prêté le jour,
Mais tout doit s'animer, tout doit avoir son tour;
Sommes-nous malheureux, si la Parque infidèle
Ne fila pas pour nous les jours de Fontenelle?a
Serait-ce donc à nous à redouter la mort?
A nous, pauvres humains, frêles jouets du sort,
Qui rampons dans la fange, et dont l'esprit frivole,
S'il ne possédait point le don de la parole,
Serait égal en tout à ceux des animaux?
Ah! voyons dans la mort la fin de tous nos maux :
Ennemis irrités, armez votre vengeance,
Le trépas me défend contre votre insolence;
Grand Dieu, votre courroux devient même impuissant,
Et votre foudre en vain frappe mon monument;
La mort met à vos coups un éternel obstacle.
J'ai vu de l'univers le merveilleux spectacle,
J'ai joui de la vie et de ses agréments,
Et je rends de bon gré mon corps aux éléments.b
Quoi! César, qui soumit sous son bras despotique
a Voyez t. VIII, p. 55.
b Voyez t. VI, p. 243, article I. Voltaire dit dans le second chapitre de son Micromégas : « Quand il faut rendre son corps aux éléments, » etc.