<58>Pourquoi tant de travaux et de soins inutiles?
Quoi! sans cesse l'erreur nous doit-elle éblouir?
Le temps s'enfuit, mortels, apprenez à jouir
De moments passagers et de plaisirs faciles.
La cabane où le pauvre à peine est à couvert,
Les palais somptueux des maîtres de la terre,
Sont sans distinction écrasés du tonnerre;
Tout homme doit souffrir, ou bien il a souffert.
Le même champ produit la plante salutaire
Et les poisons mortels de l'affreuse Circé;
Une tombe engloutit l'orgueil et la misère,
Et la vertu du juste et le crime insensé.
Dans le rapide cours de nos frêles années,
La plaintive douleur et la prospérité
S'absorbent dans l'oubli, par les temps entraînées;
Tout ce qui fut est tel que s'il n'eût point été.
De ce vaste univers l'éternel architecte,
Maître de la nature, auteur des éléments,
Mérite seul, mortel, que ton cœur le respecte :
Vengeur de l'orphelin, il punit les méchants.
(11 août 1759.)