<62>Mais il ne passe point à la postérité,
Qui veut avoir un nom doit l'avoir mérité.
Ce héros immortel dont l'âme magnanime,
Dans la paix, dans la guerre également sublime,
Lui fit par l'univers donner le nom de Grand,
Nous met comme des nains à côté d'un géant;
Il marqua nos devoirs, sa vie est notre livre;
Plus l'exemple nous touche, et plus il le faut suivre.
Si malgré tous les soins et l'art du jardinier,
Un chardon s'élevait à l'ombre d'un laurier,
Le fer retrancherait cette plante sauvage,
Placée indignement sous un si noble ombrage.
Les fils de Jupiter, s'ils n'étaient pasa des dieux,
N'en ont pas moins paru des héros dignes d'eux.
C'est un roc élevé que la haute naissance,
On y découvre l'homme à travers l'apparence;
Malignement suivi par des yeux attentifs,
On juge ses desseins et leurs secrets motifs,
Et sur ses actions le public intraitable
Prononce impunément l'arrêt irrévocable.
Le fard de la vertu ne le trompe qu'un temps,
Il lit au fond du cœur, ses regards sont perçants;
Ce censeur sourcilleux, ce précepteur sévère
Condamne dans les grands les défauts du vulgaire.
Richesses, dignités, honneurs, rien ne nous sert,
Un défaut nous décrie, un seul faux pas nous perd;
De nos légers écarts la terre est informée,
Nous occupons tout seuls la prompte renommée,
Ses cent bouches, prônant nos vertus, nos défauts,
Ou nous font des censeurs, ou nous font des rivaux.
Ainsi, plus votre rang vous élève en ce monde,
a Point. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 83.)