<93>Ils nous traiteront tous de Huns, de Visigoths.
Je crois voir des Français qui, secouant la tête,
Diront avec dédain : Ah! que ce peuple est bête!
L'esprit est concentré chez les Parisiens;
Protégeons par pitié ces pauvres Prussiens. »
Ainsi je leur parlai, les raillant sans scrupule,
Des plus fortes couleurs peignant leur ridicule.
De leur opinion rien ne les fit changer;
Et, l'univers entier en dût-il enrager,
Les nations verront promener par le monde
Ce fils, où tout l'espoir de leur maison se fonde.
Soit, qu'il voyage donc, s'il le faut, aujourd'hui :
Je l'attends de pied ferme à son retour chez lui :
Que sait-il? qu'a-t-il vu pendant sa longue absence?
A-t-il l'esprit de Stille,a en a-t-il la prudence?
Point du tout, remarquez son plumet incarnat :b
De stupide qu'il fut, il est devenu fat;
Et jouant l'étourdi, sans jamais pouvoir l'être,
C'est un lourdaud badin qui fait le petit-maître.
Chrysippe, dites-vous, est un homme prudent;
Son fils qui doit partir a l'esprit transcendant,
Son école est le monde, et le père qui l'aime,
Assuré de ses mœurs, l'abandonne à lui-même.
Avec son esprit vif, joint à tant de talents,
Il ne fréquentera que les honnêtes gens
Et les bonnes maisons ... Dites les dangereuses;
Chez l'abbesse Paris et ses religieuses
a Voyez l'Éloge du général de Stille, t. VII, p. 33-36, et, ci-dessous, l'Épître IX.
b C'était alors la mode chez les nobles, jeunes et vieux, qui n'étaient pas au service, de porter au chapeau une plume blanche, comme les généraux; à leur exemple, le jeune élégant qui voyage est décoré d'un plumet incarnat.