<166>mieux entendre des douceurs à la comédie que d'y voir jouer leurs défauts, et qui sont intéressés à préférer un dialogue insipide à cette plaisanterie fine qui attaque les mœurs. Rien n'est plus désolant que de ne pouvoir pas être impunément ridicule. Ce principe posé il faut renoncer à l'art charmant des Térence et des Molière, et ne se servir du théâtre que comme d'un bureau général de fadeurs où le public peut apprendre à dire, Je vous aime, de cent façons différentes. Mon zèle pour la bonne comédie va si loin, que j'aimerais mieux y être joué que de donner mes suffrages à ce monstre bâtard et flasque que le mauvais goût du siècle a mis au monde. Depuis Nanine je n'entends plus parler de vous; donnez donc au moins signe de vie.
Votre muse est-elle engourdie?
L'hiver a-t-il pu la glacer?
Le beau feu de votre génie
Ne saurait-il plus s'élancer?
Ah! c'est un feu que Prométhée
Sut dérober aux dieux jaloux;
De cette flamme respectée
Ne parlons jamais qu'à genoux.
Chez vous elle ne peut s'éteindre,
Mais pour que je n'ose m'en plaindre,
J'exige quelques vers de vous.
C'est un défi dans toutes les formes; vous passerez pour un lâche, si vous n'y répondez. L'esprit ni les vers ne vous coûtent rien; n'imitez donc pas les Hollandais, qui, ayant seuls des clous de girofle, n'en vendent que par faveur. Horace, votre devancier, envoyait des épîtres à Mécène autant qu'il en voulait. Virgile, votre aïeul, ne faisait pas des poëmes épiques pour tout le monde, mais bien des églogues. Mais vous, dans l'opulence de l'esprit, et possédant tous les trésors de l'imagination la plus brillante, vous êtes le plus grand avare d'esprit que je connaisse. Faut-il être aussi difficile pour quelques vers de