<18>Le grand Maurice1 a-t-il moins de vertus
Qu'en eut jadis certain Cincinnatus?
Maurice, au vrai, d'une très-noble issue,
Ne mena point de ses mains la charrue;
Mais dans la Flandre en tous lieux confondus,
Les Hollandais furent-ils moins battus?
Quoi! nos auteurs sont-ils des misérables,
Pour composer leurs écrits en français?
« Bien différents, sublimes et parfaits
Étaient, dit-on, ces Grecs tant admirables. »
Virgile, Horace, ont écrit en latin,
Les Grecs en grec, et nous dans notre langue;
Il est plaisant qu'un censeur clandestin
Prétende ici qu'en hébreu l'on harangue.
Ah! dans ces jours où notre heureux destin
Nous a fourni, pour effacer Homère,
Un Apollon plus vif et plus brillant,
Comment peut-on, en possédant Voltaire,
Avec dédain regretter un instant
Ce vieux bavard toujours se répétant,
Que sans bâiller nul mortel ne lit guère?
Valons-nous moins que nos simples aïeux,
Très-ignorants, très-grossiers, très-gothiques?
Si l'on nous croit plus fins, plus galants qu'eux,
Plus opulents et bien plus magnifiques,
Que nos palais sont plus voluptueux,
Que nos repas sont plus luxurieux,
Et que les cieux, à nos désirs propices,


1 Le comte de Saxe. [Voyez t. I, p. 180; t. II, p. 107 et 121 : t. III, p. 110 et 111 : t. IX, p. 167; et t. X, p. 226.]