<183>Le bon Charlot,a chassé de Silésie,
Avait mené ses fiers Autrichiens
Dans un bon camp où, regorgeant de biens,
Ils menaient tous une joyeuse vie,
Comme prélats dans leur grasse abbaye.
Au bord de l'Elbe ils faisaient leur séjour;
Le mal était que l'armée ennemie
Avait sitôt l'autrichienne suivie,
Qu'on entendait, si l'on n'était bien sourd,
Du camp lorrain le prussien tambour.
Dans ce camp fort, le valeureux Lorraine
Sur l'ennemi vainement se déchaîne;
Il voit souvent ses partis écloppés,
Tout balafrés, s'enfuyant hors d'haleine,
Et dans les champs leurs membres dissipés.
« Hélas! dit-il, s'appuyant sur Rosière,
Qui ressemblait à l'homicide Mars,
A quel saint dois-je adresser ma prière?
Qui diable peut rassembler nos fuyards?
Si tant de fois j'ai tenté les hasards,
Je n'en puis mais, beaucoup je m'en chagrine,
Si nous voyons que l'aigle des Césars
Sous tant de coups menace enfin ruine. »
« Prince, lui dit prudemment son ami,
Quittez, quittez la tristesse et l'ennui;
Au noir chagrin ne soyez pas en proie :
Qui pleura hier rit peut-être aujourd'hui.
a Voyez l'Art de la guerre, t. X, p. 316, où Frédéric donne les éloges les plus flatteurs au prince Charles de Lorraine pour son passage du Rhin. Voyez aussi t. III, p. 50-54.