<184>Que les plaisirs, les festins et la joie
Fassent cesser la douleur qui vous noie.
Vous éprouvez le destin des combats;
Si m'en croyez, faisons un bon repas.
Demain, s'il plaît à l'aveugle fortune,
Sur l'ennemi versant notre rancune,
A notre tour nous ferons grand fracas. »
Il dit; d'abord la table fut couverte
De mets exquis; on en mangea sans perte.
Trente laquais à la démarche alerte
Volaient sans fin de la table au buffet.
Du vin du Cap à longs traits on buvait;
L'âpre Pontac, le pétillant Champagne,
Différemment les verres colorait,
Et le filet des langues déliait.
Le Saint-Ignon, qui battait la campagne,
Dans son harnois très-fort se démenait.
Le bon Charlot en perdit la tristesse,
Et sur son front la brillante allégresse
Tout doucement sa douleur effaçait.
Déjà chacun parlait de sa maîtresse.
Se déridant, le bon Charlot riait;
Toujours buvant, bientôt plus ne savait,
Plein des vapeurs d'une bruyante ivresse,
Ce que sa langue, allant toujours, disait;
Il clignotait de sa faible paupière,
Ne voyait plus, tout avec lui tournait.
Il veut marcher, il retourne en arrière,
Moitié tombant et moitié chancelant,
De ses deux bras dans l'air se débattant;