<196>Sans l'envier, au jeune Dessewffy. »
Charles, voyant que tous prennent le large,
En rejetant leur emploi sur autrui,
Leur dit : « Je veux qu'on finisse aujourd'hui;
A Dessewffy je commets cette charge.
Qu'il aille donc préparer le combat;
Tous nos héros dans l'instant vont le suivre. »
Le Saint-Ignon, de la veille encore ivre,
Lui dit : « Charlot, le pain fait le soldat;
Le ventre vide, on fait fort mal la guerre.
Prince, mangeons; ainsi le veut Homère. »a
Fallut manger, tout le monde avait faim;
Et, les morceaux entassés dans la bouche,
Demi-mâchés, se heurtant en chemin,
Le corps gonflé, l'estomac plein de vin,
La troupe part engager l'escarmouche.
Deux cents hussards, renforcés de Tartares,
Sur des coursiers plus vites que les vents,
Partent du camp au bruit de cent fanfares.
Ami lecteur, veux savoir quelles gens
Lors combattaient sous des noms si barbares?
Communément on les nommait uhlans;
On les disait grands dévoreurs d'enfants.
Ils sont tous forts, terribles à la vue,
La tête chauve, et l'œil plein de fureur,
Le nez camard, bras et poitrine nue,
Gens faits exprès pour inspirer l'horreur,
Portant en main leur lance à pointe aiguë,
Et remplissant les airs de leur clameur.
a Iliade, chant XIX, vers 160-170. Voyez t. III, p. 85; t. VII, p. 18 : et t. X, p. 301.