<198>Le Prussien voit que l'Hongrois l'amuse,
Et l'Hongrois voit ses desseins éventés.
Sur le talus d'une double colline,
Le camp du Roi sur la plaine domine.
Tels que l'on voit les dangereux lions
Couchés dans leur redoutable repaire,
Telles étaient ces fortes légions,
Qui suspendaient leur ardeur sanguinaire,
Et, dans leur camp se tenant en repos,
Voyaient sans trouble approcher leurs rivaux.
Leur droite était sur très-haute montagne;
L'autre aile allait, traversant la campagne,
Du bord de l'Elbe assurer son appui;
Et dans ce camp d'accès inabordables,
Plein de soldats aux Lorrains formidables,
Le Prussien ne craignait rien pour lui.
Mais Dessewffy voltigeait dans la plaine,
Tout alentour découvrait le terrain,
Et, se flattant d'une espérance vaine,
Formait encor quelque nouveau dessein.
Chasot s'avance, et l'autre, qui le guette,
Sur son cheval faisant la pirouette,
Donnant des deux, vient au-devant de lui.
« Je suis, dit-il, le vaillant Dessewffy;
Dans mon pays j'ai plus de deux cents vaches,
Aux ennemis j'ai pris chevaux, panaches.
Quel est ton nom? » - « Je m'appelle Chasot,
Dit l'autre, et suis le plus vaillant des hommes.
Mon père a plus de cent boisseaux de pommes;
Je suis Normand et du pays de Caux.