<204>Dans un recoin de notre petit globe,
Qui de l'Olympe aux regards se dérobe,
Fixaient sur eux les saints du paradis.
On n'y parlait presque plus d'autre chose;
Et chaque saint ayant pris fait et cause,
Les uns disaient : Sommes Autrichiens;
D'autres ligués : Nous sommes Prussiens.
Ce que de saints avait produit la France
Étaient de droit zélés pour l'alliance;
Mais tous les saints à Vienne, à Brünn fêtés
Pour le Lorrain étaient tous bien portés.
Ceux-là portaient, dessous leur auréole,
Cocarde verte, affiche du parti;
Des rubans verts chamarraient leur étole.
Le monde au ciel était bien perverti.
Au bon vieux temps, chacun, suivant la règle,
Dévotement chantait alleluia;
On eût fessé quiconque eût fait l'espiègle,
Ou de chanter un moment s'ennuya;
C'était alors une vraie monarchie.
En vieillissant, le bon Père éternel
Laissait aller la police du ciel;
Il s'en fit lors une hiérarchie.
Le paradis était comme une cour,
Il y régnait l'intrigue et la cabale;
Aux chastes sœurs les saints faisaient l'amour,
Tout présentait des objets de scandale.
On y voyait la discorde infernale;
C'était alors un dangereux séjour.
Dans le déclin de l'éternel vieux père,
On se sauvait par compère et commère;