<235>Canailles, que l'on serve le festin. »
Alors on voit des soi-disantes vierges
Dresser la table et la charger de cierges
Que quelque autel avait contribués,
Ou que Franquin s'était attribués.
On étala la vaisselle polie
Que ce pandour au marquis enleva.
Darget lui dit : « Cette vaisselle unie
Fut par Germaina à Paris arrondie. »
- Ah! dit Franquin, tant plus elle vaudra.
Quarante plats sur la table on porta,
De mets exquis rassemblés à la ronde,
Des agneaux gras, des poulets qu'on vola,
Car on faisait payer à tout le monde.
Le malheureux paysan bohémien
Était pillé comme le Prussien;
Rien ne coûtait, on faisait bonne chère,
On s'engraissait des malheurs de la guerre.
On fait venir le Champagne moussant,
Qui pétilla bientôt dans chaque verre,
Le Port-à-port, le Tokai jaunissant,
Vin butiné, volé furtivement.
On en sabla coup sur coup des rasades,
Et puis l'on fit grandes fanfaronnades.
Darget, sournois, ne bâfrait qu'à regret
De tant de mets volés qu'on lui servait;
Il ne mangeait qu'autant qu'il faut pour vivre.
Mais sur le tard arrivent les catins.
On les caresse, on baise, on les enivre,
Non pas d'amour, mais de différents vins.


a Thomas Germain, fameux orfèvre de Paris, mort en 1748.