<248>Et des romans,a qu'on vend et qu'on vendra
A nos oisons, aux badauds imbéciles,
Tant qu'à Paris des nigauds on verra.
Je fis d'abord la Princesse sensible,
Et puis après les Bijoux indiscrets,
Et l'Acajou, livre inintelligible,
Et sur les Chats j'osai faire un essai,
Et de Gris-gris j'ébauchai quelques traits;
Le Paysan21 m'éleva jusqu'aux nues,
La Paysanne eut presque des statues.
A tout compter je n'aurais jamais fait.
Le bel esprit fournit mal la cuisine,
De Saint-Amand22 je craignis la famine;
L'invention, fille de l'intérêt,
Pour cette fois détourna ma ruine :
J'imaginai, et je fis des pantins. »
- « Quel mot barbare! en refrognant sa mine,
Cria Franquin. » - « Ce sont des mannequins,
Lui dit Darget; figure disloquée,
Ses membres sont découpés de carton;
Un fil les joint; dans l'air l'ébranle-t-on,
Son jeu la rend mobile et détraquée.
C'est le dernier effort de la raison
Que le pantin; il vous sert d'interprète,
Auprès du sexe il fait contes d'amour;
21 Le Paysan parvenu, de Marivaux.
22 Poëte qui mourut presque de faim [en 1660].
a C'est par plaisanterie (voyez ci-dessus, p. 65) que le Roi attribue à Darget, outre le Paysan parvenu, de Marivaux, les ouvrages suivants : La princesse Sensible et le prince Typhon, par mademoiselle de Lubert, les Bijoux indiscrets, par Diderot, Acajou et Zirphile, par Duclos, l'Histoire des Chats, par Moncrif, Gris-gris, par Cahusac, et la Paysanne parvenue, par Mouhi.
Frédéric se moque déjà t. X, p. 97, des écrits de Mouhi, Moncrif et Marivaux.