<258>Qui, sous le froc nasillant à matines,
A contre-cœur frappent des disciplines.
Pour moi, craignant qu'un jour en ce moutier
Bien malgré moi l'on me fît nasiller,
Je prends le large, et, bien joyeux, je gagne
Dans quelques jours les limites d'Espagne.
Là je me crus à l'abri des malheurs;
Mais le destin contre lequel je lutte
Jusqu'à présent toujours me persécute.
Amour fatal, je sentis ton pouvoir :
Pour mes péchés, une beauté céleste,
Jeune nonnain, dans un couvent, modeste,
Un beau matin m'apparut au parloir;
Et je formai, hélas! le plan funeste
D'y retourner l'admirer, la revoir.
Par le moyen d'un ingénieux prêtre,
Qui (pardonnez) faisait le maquereau,
J'eus le moyen d'approcher, de connaître
Cette nonnain, ce miracle si beau.
Un rendez-vous me donne enfin la belle;
J'entre au couvent à l'aide d'une échelle,
Gardant encore, hélas! pour mon malheur,
Un souvenir de la cruelle Anglaise,
Mais souvenir cuisant et plein d'horreur,
Qui me mettait au plus mal à mon aise.
Jusqu'à quel point, traître et perfide amour,
Tu m'aveuglas dans ce funeste jour!
Raisonne-t-on, pense-t-on, quand on aime?
Les plus prudents en amour sont des fous,
Car la raison cède au pouvoir suprême
De cet instinct qui commande sur nous.