<295>Si je vous suis, je crois, Dieu me confonde,
D'avoir peut-être un plus cruel destin. »
Le fier Rosière insiste qu'il consulte
Les noirs démons, les ombres, les enfers.
Franquin lui dit : « Par ma science occulte
Je crois pouvoir ébranler l'univers. »
Le bon Charlot ne s'y résout qu'à peine,
Et, bégayant, il consent; on l'entraîne.
Proche du camp était un petit bois,
Lieu pacifique, asile solitaire;
Aux yeux du monde on pouvait s'y soustraire.
Vers ce bosquet ils cheminent tous trois.
Le bon Charlot, qui trottait dans la bande,
Chemin faisant, aux saints se recommande.
Dévotement, avant que de partir,
Il s'aspergea d'un vase d'eau bénite;
Très-sage était; ce fut pour prévenir
Les mauvais tours de l'engeance maudite.
Au bois marqué l'on arrive, et Franquin
De son habit sortit un vieux bouquin.
Dans la forêt cherchant, il trouve à peine
Sous l'herbe épaisse un bouquet de verveine,
Et puis d'un coudre il se taille un bâton,
Devient hideux, change d'air et de ton.
Telle qu'on peint d'Apollon la prêtresse,
Quand son démon la possède et l'oppresse,
Qu'un feu divin s'empare de ses sens;
En se tenant sur un trépied qui fume,
L'œil égaré, s'agitant, elle écume,
Tout en fureur profère ses accents :
Bien plus affreux Franquin parut au prince;