<79>Nous fut donné d'un commun père.
L'affreux trépas qui nous poursuit
Sous nos pieds creuse notre tombe;
L'homme est une ombre qui s'enfuit,a
Une fleur qui se fane et tombe.
Mille chemins nous sont ouverts
Pour quitter ce triste univers,
Et la nature si féconde
N'en fit qu'un pour entrer au monde.
Ah! mortels, quelle est votre erreur
De prêter vos mains meurtrières,
Et vos talents, et vos lumières,
Au meurtre, au carnage, à l'horreur!
Enrôlé dessous les bannières
De ce dieu rempli de fureur,
Tandis qu'il ravageait la terre,
J'ai su conserver ma douceur;
Dans l'acharnement de la guerre,
J'ai respecté l'humanité,
Et la candeur et l'équité.
Si j'ai su faire mon office
Sans être farouche et cruel,
C'est qu'on peut aller au bordel
Sans y prendre la chaude-pisse.
1734; corrigés à Potsdam le 14 novembre 1749. (Envoyés à Voltaire au mois de juin 1738, sous le titre de : Le Philosophe guerrier.)
a Voyez t. X, p. 43, et ci-dessus, p. 36 et 54.