<90>En long manteau redoublé de fourrure;
Elle n'a d'yeux que ceux de ses commis,
Elle est toujours dupe de l'imposture.
On la reçut dans les camps des guerriers;
Chez Lewenhaupt,a chez Cumberlandb qu'elle aime,
De gros chardons lui servent de lauriers.
Elle a parfois voyagé en Bohême :
Là, du vieux Brogle elle ordonna les camps,c
Elle accoucha de ses succès brillants;
L'occasion s'échappe devant elle,
Mais tous ses soins sont pour la bagatelle.
Cette idiote entre chez tous les grands,
Elle engendra menins et courtisans;
Son bras hardi changea bien sans scrupule
Un diadème en bonnet ridicule.
Plus d'un pays par elle est gouverné,
Mais son triomphe est surtout dans l'Église :
Tout tonsuré, par elle endoctriné,
Lui fait ses vœux d'éternelle sottise,
D'aveugle foi, d'horreur pour les savants.
Oui, la fortune, en caprices bizarre,
S'y prend si mal, que l'homme de talents
Est très-souvent supplanté par l'ignare;
Chez nous, ailleurs et dans tous les climats,
C'est, en deux mots, l'histoire des Midas.
Fait 1742; corrigé à Potsdam, 12 janvier 1750.
a Voyez t. II, p. 155 et 156; t. III, p. 8 et 9; et t. X, p. 145 et 146.
b Voyez t. III, p. 108.
c Voyez t. II, p. 144.