<134>Frappé de cette dure et terrible sentence,
Tandis que tout mortel au fond du cœur t'encense,
Par crainte de l'enfer s'enfuira loin de toi;
Et ton temple désert et vide
Nous fera la même pitié
Que le sacré temple où réside
La déesse de l'amitié.
Depuis, en ruminant sur cette ample matière,
Marquis, j'ai trouvé la raison
Pourquoi cet homme orné de toque et de toison
D'une écrevisse a pris la démarche en arrière.
Le vieux Satan, esprit malin,
A nous nuire toujours enclin,
Naguère l'induisit d'une étrange manière :
Par des travaux nombreux il occupa son temps,
Si bien que, deux jours du printemps,
Le guerrier fatigué ne dit point son bréviaire :
Et quoique son grand nom à Vienne soit prôné,
Par saint Népomucène il se vit condamné
A faire un bout de pénitence,
Et la Fortune exécuta
D'un tour de main cette sentence;
Voilà comment il recula.4
Après quoi de toute œuvre pie
Tout bon chrétien présomptueux,
Scrutant son zèle fastueux,
Des ruses de Satan et de soi se méfie.
(Wilsdruf, 19 novembre 1759.)
4 Le maréchal Daun avait reculé de Torgau jusqu'à Dresde.