ÉPITRE SUR LA MÉCHANCETÉ DES HOMMES.
Je pensais autrefois, encor jeune et novice,
Étranger dans le monde, étranger dans le vice,
Que l'homme est le meilleur de tous les animaux.
Il est bon, me disais-je, il a peu de défauts,
Il n'est point furieux, cruel, ingrat ou traître.
Je le prenais enfin pour ce qu'il devait être,
Et dans le fond du cœur j'étais bien convaincu
Qu'on rencontrait partout l'honneur et la vertu.
Cette charmante erreur, qu'enfantait l'ignorance,
Se dissipa trop tôt; dans peu, l'expérience,
Dans le tumulte affreux où je me vis jeté,
Fit briller à mes yeux la triste vérité.
Je cherchais des vertus, et je trouvais des crimes :
Que de tours odieux! que d'infâmes maximes!
Menteurs, fourbes, fripons, fous, perfides, ingrats,
La foule d'envieux environna mes pas,
Et mon âme, étonnée, interdite, éperdue,
S'en fiait avec peine au rapport de ma vue.
Je confessais enfin, frappé de tant de maux,