<30>N'allez pas soupçonner qu'une lâche tendresse,
D'un sang qui vous chérit la force enchanteresse,
Puissent m'en imposer;
J'en atteste vos faits, votre âme noble et pure;
Ce sont mes préjugés : quelle est donc l'imposture
Qui puisse m'abuser?
Ah! périsse à jamais toute éloquence impie
Qui, pour empoisonner une aussi belle vie,
D'orgueil veut l'infecter,
Qui prodigue au hasard l'encens et le mensonge,
La remplit de dédains et dans l'erreur la plonge,
Trop lâche à la flatter!
Mais quand les nations du même ton s'expriment,
Lorsque nos ennemis à regret vous estiment,
Et chantent vos exploits,
Dans ce concert charmant que l'univers répète,
Par quel droit faudra-t-il que ma bouche muette
Vous refuse sa voix?
Jamais la politique ou l'intérêt infâme,
Tâchant de remuer les ressorts de mon âme,
Ne purent l'ébranler;
Trop sincère ennemi de toute extravagance,
Ma muse aurait mieux fait, en gardant le silence,
De la dissimuler.
Non, non, les plus grands rois, si fiers de leur puissance,
Ne forcèrent jamais ma libre indépendance
A vanter leurs talents;