<67>Moissonnera, l'hiver, au sein de tant d'États?
Qu'un roi soit emporté, que son fils le remplace,
Le monde politique en prend une autre face;
Par d'autres passions se laissant dominer,
Sur un plan différent ce roi va gouverner;
De nouvelles erreurs chassent les anciennes,
Et changent les motifs des faveurs ou des haines.
Mais que dis-je? au conseil un moindre choc suffit :
Qu'on exile un ministre, une femme en crédit,
Jamais les successeurs dans ces premières places
De leurs devanciers n'ont poursuivi les traces,
Et souvent dans les cours pour un moindre sujet
Tout prend une autre forme et change de projet.
Tant d'intérêts divers, tant d'intrigues horribles,
Des révolutions les secousses terribles,
C'est l'Océan en proie aux aquilons fougueux;
De leur contraire effort le choc impétueux
Fait soulever les flots, les enfle, les irrite,
Les pousse avec fureur, les rompt, les précipite,
Et la mer mugissante, en frappant à ses bords,
Y jette en reculant des débris et des morts.
Notre frêle vaisseau, sans mâts et sans boussole,
Flotte sans avirons au gré du vague Éole;
Il range des écueils, il désire un abri.
L'un trouve son salut où l'autre avait péri;
La prudence n'est donc qu'un art de conjecture.
L'exemple prouve bien cette vérité dure.
Était-ce son mérite, était-ce sa beauté
Qui, du rang le plus bas et de l'obscurité,
Quand ses attraits flétris touchaient à leur automne,
Éleva Catherine et la mit sur le trône?